Wendy lui a lancé: Fous-moi la paix! Je ne veux rien savoir de toi!
Il a répondu: Okay.
Et il est parti. Comme ça, juste un sac à dos et deux-trois bouquins dans le vieux pick-up qui appartenait à son grand-père.
Il a roulé jusqu’à ce que la bagnole rende l’âme quelque part au Nebraska. Il l’a abandonnée sur le bas-côté, ça lui a fendu le coeur un instant, c’était un souvenir de famille après tout, mais bon, il n’y pouvait rien, il a commencé à marcher sans se retourner. Il s’est arrêté dans le premier bled qu’il a croisé, il est entré dans un bar pour se reposer les jambes et se soûler. Il a passé la nuit à l’hôtel avec une femme plus vieille que lui, en plein divorce, trop triste pour que ça vaille vraiment la peine. Après le sexe, il a eu cette image sordide de deux oiseaux aux ailes déchirées. Ça ne faisait pas de sens, pourtant c’était eux, cette femme et lui, paumés, déglingués. Le lendemain, il est sorti en silence pour ne pas la réveiller. Il n’a pas remarqué qu’elle ne dormait pas, que ça la soulageait de le voir quitter ainsi.
Ouais.
Deux putains d’oiseaux tombés de leurs nids respectifs.
La vie comme un coup de pied au cul.
Il a fait du pouce, direction la côte ouest. Il n’avait encore jamais vu l’Océan Pacifique. C’était son but à présent. Il ne savait pas encore ce qu’il ferait là-bas. Bien sûr, il voulait l’oublier, elle, Wendy, ce ne serait pas facile, mais il savait qu’il s’en tirerait avec un peu de temps, avec un peu de chance.
Pour le reste, il verrait.
Il s’est fait embarquer une première fois jusqu’à un truck stop où il a mangé un burger et descendu deux bières. Il faisait chaud à crever. Un des camionneurs assis à ses côtés lui a parlé des feux en Californie. Un vrai bordel, l’enfer là-bas.
- La planète déraille, a grogné le camionneur. L’Armageddon, je te jure.
Il a hoché la tête, commandé un café fort. Les deux bières lui faisaient tourner la tête, il avait besoin d’un coup de fouet.
Le camionneur lui a demandé: Jusqu’où tu vas?
Il a haussé les épaules. Si ton coeur et ton âme saignent, il a pensé, prends la route.
- La Californie ferait l’affaire.
Le camionneur a éclaté de rire.
- Fucking idiot!
Il a souri pour la forme.
Wendy lui manquait, il avait ce trou dans la poitrine, ça faisait chier.
"Si ton coeur et ton âme saignent, prends la route."
Tu parles! De la poésie de merde, oui.
Wendy.
Il l’aimait.
Elle, non.
Ça compliquait les choses.
Le camionneur lui a proposé de l’emmener jusqu’à la petite ville de Lone Pine, dans la vallée de l’Owens, pas plus loin.
C’était bon.
Sur la route, ils ont écouté du country et du blues tout le long sans presque prononcer un mot.
À Lone Pine, il a pris une chambre dans un motel trash qui coûtait trois fois rien.
Il a commencé à écrire un mot à Wendy sur son téléphone mais il a vite compris que c’était une mauvaise idée, alors il a tout effacé. Il est allé se chercher un pinte de bourbon et il est revenu s’asseoir devant sa chambre dans la poussière. Il les voyait au loin, les feux californiens, la couleur du ciel et des nuages était à la fois magnifique et effrayante, un panache de beauté et d’épouvante.
C’est là qu’il irait, il s’est dit. Dans les feux.
Combattre ou mourir.
C’était mieux que rien.
Et après, peut-être qu’il trouverait la paix.
Pourquoi pas?
Ça valait la peine d’essayer.
Discussion à propos de ce post
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Très beau texte, sensible et qui donne envie de connaître la suite de l'histoire de cet homme dans la peine.
Si ton coeur et ton âme saignent…
Si ton cœur et ton âme brûlent…
Arrose les d’amour plutôt que de les noyer dans l’alcool…combat ton feu intérieur en libérant la douleur pour la transformer en douceur… sois bienveillant envers toi même… et crois en ta capacité être aimé même si tu as été délaissé… voilà ce que j’aurais goût de dire à cet homme en peine d’amour….croire… être résilient… après une destruction de la forêt… renaissent des cendres de magnifiques trésors de la nature!
Caroline